Fanny Rezig
Jeudi 18 Février 2021
Altitude Cent
"Avec cette histoire moche et triste, j’ai créé quelque chose de joli. C’est ça qui me plaît."
Peux-tu te présenter ?
Je suis Fanny, je suis auteure photographe. Auteure dans le sens où mes projets racontent une histoire.
Quand as-tu commencé ton travail d’auteure-photographe?
Dès que j’ai commencé la photographie. Chaque histoire que je voulais raconter devenait un projet et la photo a été mon médium de prédilection car c’est ce que j’ai appris. Avant d’apprendre je n’avais pas de pratique artistique personnelle mais j’étais déjà sensible à ce milieu-là. C’est vraiment en commençant l’école Agnès Varda* que je me suis sentie alignée avec moi-même.
*École de photo à Bruxelles
À quel moment t'est venu ce déclic qui t’a amené à t’inscrire dans une école de photo ?
Avant j’habitais à Lyon, j’ai fait de longues études en anthropo-sociologie, puis j’ai bifurqué dans un Master « accompagnement et direction de projet artistique et culturel ». J‘ai travaillé quelques années dans le milieu culturel à Lyon et ça a été très décevant pour moi car j’avais le sentiment d’avoir fait toutes ces études pour au final ne pas mobiliser mes compétences. On me demandait de passer des coups de fil et d’envoyer des mails, ce qui n’était pas stimulant pour moi.
Après ça je suis partie un an toute seule en Australie où j’ai commencé à prendre des photos. J’ai rencontré quelqu’un qui m’a brisé le cœur et à ce moment j’ai eu envie de raconter l’histoire.
Image,
édition
et objet.
Wenc
Vendredi 25 Septembre 2020
à Ixelles
" J'entretiens ma curiosité pour cette frénésie de l'environnement, avec une part de sensibilité."

© Corentin Mahieu
Cette fascination pour le corps te vient d'où ?
Mon père est médecin et ma mère est kiné, quand j'étais petit ils avaient un grand atlas d’anatomie qui me fascinait totalement. Ces corps mis à nus, les tendons et muscles cachés sous la peau. Ça a été un catalogue d’images du corps inspirant. Ces images-là, ces fluides, ces corps, puis la réflexion avec l’espace et les corps dans l’espace, je les ai intégrés à mon travail petit à petit et ça s’est accentué après.
Tu traites souvent du rapport entre le corps et l'espace, c'est un sujet qui t'inspire au quotidien ?
Je me rends compte qu’on vit dans des environnements assez dingues et frénétiques, que j'essaie de représenter sur papier. Au quotidien j'entretiens ma curiosité pour cette frénésie, en essayant d'apporter une part de sensibilité dans mon travail.
Les gens et leurs corps... On a une réalité physique en ville, on se frôle, on est agglutinés les uns sur les autres. C'est un constat qu’on a de la ville ininterrompue, bruyante, et parfois violente pour nos corps. On se met dans des postures qui nous usent et nous heurtent avec nos quotidiens. Dans mon travail j’accentue ces déformations du corps pour montrer ce constat, et c'est aussi une façon de me sentir libre dans mon trait. Je dessine un corps et je lui donne une intention en déformant, accentuant, atténuant.
Et toi, tu te sens bien dans quel type d'espace ?
Les bancs publics ! J’aime bien être assis et statique quand les autres sont en mouvement, et contempler. A Bruxelles, il y a la place Sainte-Catherine que j'aime bien, au bord du canal, ou encore le toit de mon atelier qui est en plein cœur d’ilots à la Barrière. Me poser et écouter les bruits de vie autour de moi, je me sens corporellement pris dans un ensemble. C'est cette sensation d’être une petite fourmi, et un peu incognito.
C'est une échappatoire quand tu dessines ?
Oui, je suis dans ma bulle, mais c’est aussi une connexion à autrui. Le rapport aux autres et ce qui m’entoure passe par le dessin. Je lâche qui je suis et comment je me sens en dessinant et je ne m'en rends pas compte sur le moment mais souvent après coup. C’est un miroir de qui tu es, d’une période de ta vie, de comment tu te sens. Un dessin me replonge dans un moment, dans un souvenir... la musique peut avoir le même effet.
J’aime bien ne pas anticiper ce que le "spectateur" vient chercher. Je retranscris quelque chose que j’ai capté, une lumière, un souvenir, un angle, un cadrage, que j’ai observé avec mon regard. Du coup c’est vraiment cette image qui appartient au réel que je retranscris à ma sauce avec des exagérations, des décalages, et une part de rêve. On voit tous les choses différemment.
Ta technique ou ton approche préféré c’est quoi ?
En général sur papier avec un marker, un stylo ou un feutre. Du linéaire avec du trait.
De plus en plus j’essaie d’aller vers du pictural avec de l’acrylique. Mon chouchou c’est vraiment le papier, c’est le support sur lequel je me sens le mieux. Ce rapport au papier je l’aime à fond !
J’ai pas encore trouvé la formule sur toile qui permet d’exprimer ce que je veux comme je veux.
Tu peux nous parler de la risographie ?
Le point de départ c'est souvent le choix du nombre de personnages, et ensuite je les perds dans un décor. Là il y a deux personnages et je voulais quelque chose d’aquatique, avec une ligne d’horizon désaxée sur l’image. Les deux personnages ont les pieds dans l’eau, dans des positions différentes, et l’image est découpée un peu comme une bande-dessinée. Les deux personnages essayent tant bien que mal de contenir une masse nuageuse, une sorte de fumée, et sont ancrés dans cette étendue d’eau. Mais il y a deux fuites en bas de l'image. Après chacun interprète à sa façon ! J'aime bien décomposer la trame de bande-dessinée pour retrouver de la profondeur dans l’image. Il y a deux sorties de cadre, en bas à droite avec l'eau et en bas à gauche avec la fumée. Ces sorties peuvent déstabiliser un peu l’ensemble de l’image.